18 juin 2024

Prévenir la dénutrition chez les personnes âgées : Pour que l’alimentation reste un plaisir 

Docteur Eric KARIGER, Gériatre – Directeur Ethique et Médical – Maisons de Famille

La dénutrition est un problème de santé publique majeur touchant de nombreuses personnes âgées, tant à domicile qu’en institution. Elle concerne environ une personne âgée sur dix vivant à domicile et une sur deux à l’hôpital. Comprendre les causes, les conséquences et les moyens de prévention de la dénutrition est crucial pour améliorer la qualité de vie des seniors.

Qu’est-ce que la dénutrition chez les personnes âgées ?

La dénutrition chez les personnes âgées se caractérise par une réduction significative de l’apport alimentaire, entraînant des carences multiples et une détérioration générale de la santé. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la dénutrition est définie comme « un déséquilibre entre les apports nutritionnels et les besoins de l’organisme entraînant des pertes tissulaires, notamment musculaires, qui ont des conséquences fonctionnelles délétères ». Une perte de poids notable, notamment une diminution de 5 % du poids en un mois ou de 10 % en six mois, est un signe clair de dénutrition.

Plusieurs facteurs peuvent favoriser la dénutrition chez les seniors :

  • Manque d’activité physique : L’absence d’exercice réduit la sensation de faim, conduisant à des repas sautés.
  • Altération du goût : Avec l’âge, les aliments perdent de leur saveur, réduisant l’appétit.
  • Problèmes digestifs et gastriques : Les troubles gastro-intestinaux, fréquents chez les seniors, diminuent l’appétit et peuvent causer de la constipation.
  • Problèmes bucco-dentaires : La douleur des gencives et les difficultés de mastication poussent à éviter certains aliments nutritifs mais difficiles à mâcher.
  • Polymédication : Les médicaments peuvent altérer le goût et réduire la salivation.
  • Dépression : Souvent associée à une perte d’appétit, la dépression peut entraîner une dénutrition.
  • Préjugés sur les besoins nutritionnels : Contrairement aux idées reçues, les seniors ont besoin d’un apport énergétique adéquat pour maintenir leur santé.

Prévalence de la dénutrition

La dénutrition augmente avec l’âge et varie selon le lieu de vie des seniors :

  • À domicile : 4 à 10 % des personnes âgées vivant à domicile sont dénutries, bien que ce chiffre soit probablement sous-estimé en raison du manque d’enquêtes.
  • En institution : 15 à 38 % des résidents en institution souffrent de dénutrition.
  • À l’hôpital : 30 à 70 % des personnes âgées hospitalisées sont dénutries, selon les études plus fréquentes et fiables dans ce contexte.

Symptômes de la dénutrition

L’un des principaux signaux d’alarme de la dénutrition est la perte de poids involontaire :

  • Plus de 3 kg en 1 mois.
  • Plus de 6 kg en 6 mois.

Mais elle peut être plus insidieuse d’où l’importance de toujours se référer à son poids antérieur (poids à 60 ans ? poids à 75 ans ?)

D’autres symptômes incluent la fatigue, une apathie, un visage creusé, des cheveux ternes et cassants, une peau sèche, une poignée de main moins ferme, une baisse des interactions sociales et une perte d’intérêt pour des loisirs.

Conséquences de la dénutrition

La dénutrition a de graves répercussions sur la santé des personnes âgées, en lien en particulier avec la carence en protéines :

  • Affaiblissement et fragilité : La perte de poids et de masse musculaire entraîne une faiblesse générale.
  • Asthénie et anorexie : Une fatigue extrême et une perte d’appétit sont fréquentes.
  • Infections : Le système immunitaire affaibli augmente le risque d’infections.
  • Perte d’autonomie : La dénutrition accroît le risque de chutes et de fractures, réduisant l’indépendance.

Diagnostic de la dénutrition

Le diagnostic de la dénutrition doit être systématique chez la personne âgée. Il repose sur un interrogatoire (habitudes de vie, alimentation, perte d’autonomie) et diverses mesures (poids, taille, IMC*). Une IMC inférieur à 22 kg/m2 chez les plus de 75 ans, une perte de poids involontaire supérieure à 5 % en un mois. On pourra secondairement quantifier la perte protidique par des critères biologiques tels que l’albuminémie (albumine ≤ 35 g/l).

Traitement de la dénutrition

Plus la prise en charge est précoce, plus elle est efficace. Trois types de stratégies peuvent être envisagées selon la sévérité de la dénutrition :

  • Alimentation par voie orale : En prévention primaire, elle inclut prioritairement des conseils nutritionnels, et l’enrichissement de l’alimentation. Dans les formes modérées ou sévères, des compléments nutritionnels oraux (CNO), à prendre en dehors des repas principaux idéalement 10 heures/16 heures/coucher.
  • Nutrition entérale : Envisagée lorsque la nutrition orale est insuffisante. Cela implique la mise en place d’une sonde par voie nasale (dite nasogastrique) ou une sonde directement par un abouchement à la peau dans l’estomac (gastrostomie) ou l’intestin grêle (jéjunostomie) ; ces techniques justifient d’un un suivi médical et infirmier rapproché.
  • Nutrition parentérale : Consiste à utiliser la voie veineuse soit sur chambre implantable soit sur des gros troncs veineux ; Utilisée en dernier recours en cas de malabsorption sévère ou d’occlusion intestinale, elle est d’indication exceptionnelle en gériatrie.

Prévenir la dénutrition chez les personnes âgées

La prévention de la dénutrition repose sur plusieurs actions :

  • Enrichir l’alimentation est notre priorité et permet de concilier objectif nutritionnel et plaisir : Un apport quotidien ≥ 1g/kg/jour de protéine est recommandé. Il est essentiel d’enrichir les repas avec du lait, de la crème et d’autres sources de protéines (œuf frais dans une purée, fromage à chaque repas…)
  • Proposer des collations fréquentes : Les petits repas riches en nutriments, comme des crackers avec du fromage ou des œufs, peuvent aider.
  • Aliments prêts à consommer : Garder des noix, fruits, yaourts et fromages à portée de main facilite l’accès à des snacks sains.
  • Mets faciles à consommer : Les viandes hachées, les soupes et autres aliments faciles à mâcher sont idéaux.
  • Relever le goût des plats : Utiliser des épices et des condiments peut améliorer l’appétence des aliments.

On n’oubliera pas la prévention primaire et secondaire de l’hygiène bucco-dentaire.

Il est également crucial de créer un environnement favorable à l’alimentation, en veillant à ce que les repas soient pris dans le calme et avec des ustensiles adaptés. Le dépistage de la dénutrition doit être systématique et régulier, surtout après des changements de vie ou l’apparition de nouvelles pathologies.

En conclusion, la dénutrition chez les personnes âgées est un problème complexe mais qui peut être prévenu grâce à une prise en compte précocement. Enjeu majeur de qualité de vie physique, psychique et sociale, ce bilan nutritionnel gérontologique doit être réalisé à tous les âges clés de la vie 45/50 ans, 60/65 ans, 70/75 ans. Les aidants et les professionnels de santé jouent un rôle clé dans la détection et la gestion de la dénutrition, contribuant ainsi à la santé et au bien-être des personnes âgées.

* IMC = Indice de Masse Corporelle = poids/taille2

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